Cancer du poumon : nouveau pas en avant de l’immunothérapie.

Auteur:

Thierry Pieters

L’immunothérapie oncologique par inhibition des points de contrôle dépendant de l’interaction entre les récepteurs PD-1 et PD-L1 fait partie des standards de soins depuis cette année en Belgique. On a parlé de tsunami, de tremblement de terre pour décrire l’apport majeur de ces traitements pour les patients atteints de carcinome non à petites cellules avancés (stade IV) en seconde puis en première ligne.

Un pas décisif vient d’être franchi par la présentation au congrès de l’ESMO à Madrid en septembre puis par la publication qui a rapidement suivi dans le New England Journal of Medicine de l’étude de phase 3 PACIFIC montrant pour la première fois l’intérêt de l’immunothérapie et plus particulièrement du durvalumab dans le cancer bronchique au stade III.


Le pronostic du cancer bronchique au stade III  bien que meilleur que celui du stade IV avec des possibilités de guérisons n’a pas évolué de façon importante au cours des trois dernières décennies. Dans les années 80, la radiothérapie en monothérapie offrait une survie médiane (SM) de 10 mois. Dans les années 90, l’adjonction de la chimiothérapie apportait un gain de survie de 4 mois. Plus récemment, le traitement concomitant de radio-chimiothérapie amenait la SM à 18 mois, la survie sans progression (SSP) à 8 mois et un taux de survie à 5 ans de 15%. Au cours de la dernière décennie, les modifications de doses de radiothérapie, l’utilisation de drogues cytotoxiques plus modernes ou de thérapies ciblées n’ont pas pu modifier ces données.


Le durvalumab est un anticorps monoclonal humanisé de haute affinité qui bloque le ligand PD-L1 au récepteur PD-1 et CD80 permettant ainsi au lymphocyte T de reconnaître et tuer les cellules tumorales. Dans l’étude PACIFIC, 713 patients ayant un bon indice de performance (ECOG 0-1) qui ne progressent pas après une chimio-radiothérapie concomitante avec un sel de platine ont été randomisé 2 :1 pour recevoir tantôt du durvalumab à 10 mg/kg toutes les deux semaines pendant 1 an ou un placebo (n=273). Le délai d’administration de la première dose était compris entre 1 et 42 jours après la fin du traitement concomitant. L’expression de PD-L1 n’était pas discriminante.

Le but primaire de l’étude est conjointement la SSP et la SM. Le but secondaire est le taux de SSP à 12 et 18 mois, le taux de réponse objective, la durée de réponse, le temps jusqu’au décès ou les métastases à distance et la sécurité. Les résultats à 14.5 mois de suivi médian ont été présentés. La SSP était de 16.8 mois pour les patients sous durvalumab et de 5.6 mois pour ceux recevant le placebo soit 3 fois moins (HR 0.52 (0.42-0.65; p<0.0001).

A 12 et 18 mois, le taux de  SSP était également au bénéfice du durvalumab : 55.9% vs 35.3% et 44.2% vs 27% respectivement.

Un nombre significativement plus important de patients atteignent un taux de réponse objective avec le durvalumab par rapport au placebo : 28.4% vs 16%. Les réponses sont également plus longues : taux de réponse objective médian non atteint avec durvalumab vs 13.8 mois avec placebo. Le risque de métastase ou de décès était diminué de  48 % avec durvalumab.

Les patients en stade IIIA ou IIB ont le même bénfice de l’immunothérapie. Il en est de même pour ceux qui ont un taux de PD-L1 sur les cellules tumorales inférieur ou supérieur à 25%. Les données pour les patients n’exprimant pas PD-L1 n’ont pas encore été communiquées.


Bien entendu, nous sommes impatients de connaître les données de SM. Elles étaient encore immatures en septembre. Néanmoins, tous les espoirs sont permis sur base des données de SSP. La radiothérapie (RT) et l’immunothérapie peuvent former un beau couple et expliquer ces beaux résultats. En tuant des cellules immunogéniques, la RT peut initier le « priming », promouvoir le relargage de signaux de danger qui vont enflammer le microenvironnement tumoral, ou de néo-antigènes. La RT peut aussi upréguler les récepteurs PD- et PD-L1 et a pu démonter un effet abscopal.


Etant donné l’effet proinflammatoire et immunogène de la RT, la question de la sécurité  de l’immunothérapie en association avec la radiothérapie est critique, notamment pour ce qui concerne les pneumonies radiques. Les effets secondaires surviennent avec la même fréquence dans les deux groupes de patients. Les effets secondaires de grade 3 ou 4 sont comparables (29.9 vs 26.1%), parmi eux les pneumonies sont les plus fréquentes (4% environ). Ces effets secondaires nécessitent l’arrêt du traitement plus fréquemment sous durvalumab (15.4 vs 9.8%). Ce sont les pneumonies radiques ou les pneumopathies immunes  qui sont responsables le plus souvent de  ces arrêts mais à un taux acceptable (1.1 vs 1.3% et 6.3 vs 4.3% respectivement).

Pris globalement ou selon leurs grades de sévérité, il n’y a pas de différence significative entre les deux groupes. Le taux de décès dus aux traitements n’est pas différent dans les deux groupes non plus.

En conclusion , le durvlumab a montré pour la première fois une supériorité de la SSP en traitement séquentiel après radio-chimiothérapie concomitante dans les cancers bronchiques non à petites cellules de stade III. En attendant les données de survie, la molécule sera disponible en « medical need program » dans le premier quadrimestre 2018.