Newsletter IRA II - Cancer du pancréas
EDITORIAL
Marc Hamoir - Past président de l’Institut Roi Albert II et Professeur émérite à l’Uc Louvain
Jean-Pascal Machiels - Président de l’Institut Roi Albert Il et chef du service d’oncologie médicale aux Cliniques universitaires St Luc
Si le cancer du pancréas ne représente que 3% des cancers enregistrés en Belgique en 2017, son incidence ne fait que croître. En Belgique, en 2017, plus de 1850 nouveaux cas ont été reportés.
Le cancer du pancréas est rare avant 50 ans. L’âge moyen au moment du diagnostic se situe généralement autour de 70 ans. Il touche un peu plus d’hommes que de femmes, mais ceci de manière non significative.
L’adénocarcinome qui se développe à partir du tissu glandulaire du pancréas est le type de cancer de loin le plus fréquent et fait l’objet de ce numéro. Les carcinomes neuroendocrines, plus rares, se développent à partir des cellules endocrines du pancréas. Ces derniers ont une évolution et une prise en charge thérapeutique différente des adénocarcinomes et seront abordés ultérieurement.
Le cancer du pancréas est une tumeur de mauvais pronostic. Il progresse souvent de façon sournoise. Les symptômes sont peu spécifiques et le diagnostic est souvent tardif. La chirurgie reste encore le seul traitement potentiellement curatif mais elle n'est envisageable que lorsque la tumeur a été diagnostiquée à un stade précoce. Dans les centres de référence, 30 % des patients opérés de façon curative sont encore vivants à 5 ans. En revanche, pour les patients non opérables et métastatiques, la survie médiane est de 6 mois.
Afin d’améliorer le pronostic, les contributions de la recherche fondamentale et clinique sont une nécessité.
En recherche clinique, Il est essentiel de développer des outils de diagnostic permettant de dépister la tumeur à un stade plus précoce et notamment en identifiant des biomarqueurs spécifiques. L’antigène CA 19-9 (plus élevé chez 70 à 80 % des patients atteints du cancer du pancréas) et l’antigène carcino-embryonnaire (CEA) (plus élevé chez environ 50 % des patients atteints du cancer du pancréas) ne sont pas des marqueurs précoces et manquent de sensitivité et de spécificité. PAM4, une immunoglobuline IgG1 absente du pancréas normal et peu réactive vis à vis des tumeurs non pancréatiques a montré une haute réactivité vis-à-vis de l’adénocarcinome pancréatique et de ses précurseurs, ce qui pourrait en faire un bon marqueur, en particulier pour la détection précoce, en routine clinique.
À plus court terme, des travaux sont menés pour développer un protocole de surveillance par imagerie qui permettrait une détection précoce chez des personnes appartenant à des familles à risque de cancer du pancréas. Enfin, la comparaison des différentes méthodes d’imagerie et la modernisation des techniques actuelles de diagnostic par écho-endoscopie devraient permettre d’affiner le diagnostic en dépistant mieux les tumeurs, surtout lorsqu’elles sont débutantes.
Il est indispensable de disposer de protocoles thérapeutiques plus efficaces, en optimisant les traitements existants notamment en chirurgie ainsi qu’en combinant plusieurs traitements. Les chimiothérapies et radiothérapies néo adjuvantes et adjuvantes peuvent améliorer l’efficacité de la chirurgie et réduire les risques de rechute. En augmentant l’efficacité des traitements néo adjuvants, le nombre de patients opérables devrait augmenter avec comme conséquence une amélioration du pronostic.
Enfin et surtout, il est essentiel de comprendre le fonctionnement biologique des cellules tumorales du pancréas afin d’identifier les mécanismes anormaux qui s’y déroulent et d’identifier les éventuelles anomalies génétiques à l’origine du processus de cancérisation. Aujourd’hui, peu de mutations génétiques ont été identifiées : celle du gène STK11, de BRCA2 ou du gène CDKN2A. Il est probable que de nombreux autres gènes impliqués dans le développement du cancer du pancréas restent à identifier.
Une des pistes les plus récentes vise à mieux comprendre et cibler le microenvironnement tumoral. Le stroma représente 80 à 90% de la tumeur pancréatique et joue un rôle fondamental dans les interactions avec les cellules épithéliales malignes induisant la survie et la résistance thérapeutique. La composition du micro-environnement est dense et rend difficile la pénétration des médicaments. La perturbation de la matrice extracellulaire composant le stroma a été envisagée comme cible en utilisant des hyaluronidases. L’hypothèse repose sur la dégradation de l’acide hyaluronique, composant de cette matrice, par des enzymes pour perturber la barrière physique du stroma et augmenter la pénétration des drogues. Chez la souris, l’injection d’une version recombinante de hyaluronidase conjuguée au polyéthylène glycol a montré une normalisation des micro-vaisseaux, une augmentation de la pénétration des cytotoxiques et un effet anti-tumoral. Des études cliniques sont en cours pour déterminer la tolérance et l’activité.
La voie de signalisation Hedgehog est fortement impliquée dans la progression des tumeurs du pancréas. C’est un médiateur du dialogue entre les cellules tumorales et stromales. En pré-clinique chez des souris génétiquement modifiées, l’association de la gemcitabine à un inhibiteur de Hedgehog, augmente la concentration de la drogue au niveau de la tumeur et induit une augmentation de la survie des souris. Cependant, les études de phase I et II n’ont pas confirmé les effets encourageants sur des modèles pré-cliniques. Les raisons de cette discordance ne sont pas claires et pourraient venir des modèles pré-cliniques utilisés et de la complexité du compartiment stromal.
Différents récepteurs à tyrosine kinase sont exprimés au niveau tumoral et stromal et sont impliqués dans la prolifération, la migration, l’angiogénèse ou la pression des fluides interstitiels. Parmi eux, VEGFR, PDGFR et FGFR ont été proposés comme cibles intéressantes. En pré-clinique, des résultats in vitro et in vivo encourageants ont été obtenus avec un inhibiteur multi-tyrosine kinase (dovitinib, TKI-258). Des études cliniques sont en cours.
Ce n’est qu’en développant la recherche et notamment en continuant à explorer le profil génétique et moléculaire de ces cancers que surgiront de vraies avancées qui permettront de proposer de nouvelles approches thérapeutiques et donner de l’espoir davantage de patients.
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