Des chercheurs de l'UCL identifient une cible thérapeutique insoupçonnée: La capacité des cancers à recycler leurs déchets
Des chercheurs du laboratoire du Prof. O. Feron ont identifié un processus de recyclage des déchets dans les tumeurs dont l’inhibition entraîne la mort des cellules cancéreuses hypoxiques, à savoir les cellules les plus résistantes aux traitements anticancéreux conventionnels. Ce travail récemment publié dans Journal of Clinical Investigation a également impliqué le laboratoire du Prof. B. Gallez (UCL) et le département de Radiation Oncologique de l’Université de Duke (USA), le Dr P. Sonveaux assurant la coordination entre ces différents acteurs.
Pour comprendre l’objet de ces travaux, il convient de planter le décor de l’organisation des cellules cancéreuses et des vaisseaux sanguins au sein d’une tumeur. On peut généralement distinguer deux types de cellules tumorales, celles proches des vaisseaux sanguins, les cellules oxygénées et celles plus éloignées des vaisseaux, les cellules hypoxiques (exposées à des taux faibles d’oxygène). Lors du traitement d’un cancer, les cellules tumorales oxygénées sont généralement éliminées par chimio- ou radiothérapie. Par contre, les cellules tumorales hypoxiques sont plus difficiles à détruire, à cause de leur éloignement des vaisseaux sanguins qui transportent les médicaments et de leur capacité accrue à résister à différents types de stress. La survie des cellules tumorales hypoxiques après un traitement est donc la cause de nombreuses rechutes de la maladie. On sait depuis longtemps que ces deux types de cellules ont un métabolisme différent. Les cellules tumorales oxygénées se nourrissent de glucose et d’oxygène et rejettent du gaz carbonique : elles respirent. Par contre, les cellules tumorales hypoxiques ne recevant pas suffisamment d’oxygène se nourrissent principalement de glucose et éliminent un autre type de déchet : le lactate.
La première découverte de l’équipe de chercheurs de l’UCL est l’identification d’un processus de recyclage des déchets dans les tumeurs : le lactate produit par les cellules tumorales hypoxiques, au lieu d’être éliminé dans le sang, est recyclé par les cellules tumorales oxygénées comme « nourriture de substitution ». Les chercheurs ont également observé que les cellules oxygénées préféraient le lactate (le déchet) au glucose pour produire leur énergie. Conséquence : le glucose n’étant pas utilisé par les cellules tumorales situées à proximité des vaisseaux, il peut librement diffuser pour atteindre les cellules tumorales les plus hypoxiques.
La deuxième découverte est l’identification de la voie d’entrée du lactate dans les cellules tumorales et l’intérêt thérapeutique de bloquer cette « porte ». Le nom de ce transporteur du lactate : MCT1. En bloquant MCT1, tout le processus de recyclage est perturbé. Les cellules tumorales oxygénées n’ont plus le choix : elles doivent consommer le glucose (et non plus le lactate). Les cellules hypoxiques se voient donc privées de leur principal substrat énergétique : elles meurent de faim !
Pour bloquer MCT1, les chercheurs de l’UCL ont utilisé des approches génétiques ainsi qu’une molécule inhibitrice développée il y a plusieurs années pour une toute autre application. Ces approches se sont avérées très efficaces pour tuer chez la souris les cellules cancéreuses hypoxiques. Seules les cellules tumorales oxygénées survivent au traitement inhibiteur de MCT1. Mais mieux encore, en combinant l’inhibiteur du MCT1 avec la radiothérapie, les tumeurs régressent chez la souris.
Enfin, les chercheurs de l’UCL apportent également la preuve de l’existence de la cible MCT1 dans différents types de cancer chez l’homme : poumon, sein, colon et sphère ORL. Ces données suggèrent la grande applicabilité du nouveau type de traitement identifié. De plus, la cible finale de l’inhibition de MCT1, à savoir les cellules tumorales les plus résistantes, justifie un espoir nouveau dans le combat contre les rechutes du cancer après traitement.
Une collaboration entre le groupe de chercheurs dirigés par le Prof. O. Feron avec une firme pharmaceutique sera prochainement initiée pour transformer cette stratégie thérapeutique déjà validée chez l’animal en un médicament pour le patient cancéreux.
Références complètes de l'article :
Targeting lactate-fueled respiration selectively kills hypoxic tumor cells in mice.
Sonveaux P, Végran F, Schroeder T, Wergin MC, Verrax J, Rabbani ZN, De Saedeleer CJ, Kennedy KM, Diepart C, Jordan BF, Kelley MJ, Gallez B, Wahl ML, Feron O, Dewhirst MW.
J Clin Invest. 2008 Dec;118(12):3930-42.
Pour de plus amples renseignements : contacter Olivier Feron, Professeur UCL, Maître de recherches du FNRS, Directeur du groupe de recherche ‘Angiogenèse et Cancer’ (UCL-FATH) : 02 764 52 64 ou secr 02 764 52 60 ou olivier.feron@uclouvain.be